Combien consomme un Minitel ?
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Le Minitel est l’ancêtre français d’Internet, qui a permis pendant trois décennies l’accès à des services télématiques via le réseau téléphonique. Quelle était la consommation électrique de ces terminaux qui ont équipé des millions de foyers français ?
En résumé
- Le Minitel consomme 18,6 W lorsqu’il est allumé (19,2 W lorsque le modem est actif). C’est bien moins que les 35 W de puissance nominale.
- Eteint, il ne consomme rien ; pas besoin de débrancher la prise.
- Le réglage de luminosité ou la veille automatique de l’écran n’ont aucun impact mesurable sur la consommation électrique.
- Il aurait fallu faire 42 recherches de 3 minutes dans l’annuaire pour dépenser 1 centime d’électricité au tarif actuel.
- Une recherche par semaine aurait représenté 48,9 Wh (0,012 €) par an. Un usage professionnel plus intensif de 2 ou 3 recherches par jour ouvrable aurait représenté 611 Wh (0,15 €) par an.
- Une heure de connexion à un service payant comme la messagerie aurait consommé 19,2 Wh (0,005 €) au tarif actuel. À l’époque, ces services coûtaient environ 9 euros par heure, soit 1 863 fois plus que le coût électrique.
- Oublié allumé, le Minitel consomme 446 Wh (0,11 €) par jour ; 163 kWh (41,02 €) par an s’il reste allumé en permanence.
Le matériel
Le Minitel est un terminal télématique qui a marqué l’histoire de l’informatique française. Déployé massivement dans les années 1980 et 1990, il permettait d’accéder à des services en ligne via le réseau téléphonique : annuaire électronique (le célèbre 3611), messagerie, réservations, services bancaires, et bien d’autres applications.
Le modèle testé ici est un Minitel 1B, fabriqué en France par La Radiotechnique Industrielle et Commerciale. Il s’agit d’un modèle d’époque, dont la garantie s’est terminée en 1990. Bien que le service Minitel ait fermé définitivement en 2012, le terminal permet toujours une communication en série grâce à une prise à l’arrière.
Méthode de mesure
Le Minitel est branché sur une prise connectée Shelly Plus PlugS qui permet de mesurer sa consommation.
La puissance instantanée est collectée et enregistrée une fois par seconde.

Consommation
Informations fournies par le fabricant
Étiquette
L’étiquette technique se trouve en dessous du Minitel :

L’étiquette indique « 220V ~ 50 Hz 35 W », soit une puissance nominale de 35 W. On note également que l’appareil était « PROPRIETE DE L’ETAT PTT » – ces terminaux étaient prêtés gratuitement aux abonnés du téléphone.
Ce Minitel supporte deux modes de fonctionnement : le mode Vidéotex (le mode classique du Minitel français, 40 caractères par ligne) et le mode ASCII permettant d’aller jusqu’à 80 caractères par ligne.
Un jeu pédagogique pour Noël
Enfant, j’ai su taper mon prénom sur le clavier du Minitel de mes parents avant de savoir tenir un crayon ! Le clavier, compact et robuste, est particulièrement bien adapté aux petites mains :

Pour les fêtes de Noël, j’ai eu l’idée de faire revivre le vieux Minitel qui prenait la poussière au garage de mes parents, devenus depuis grands-parents. Je voulais faire vivre à mon enfant l’expérience que j’ai eue à son âge.
J’ai commandé un adaptateur permettant de relier le Minitel à un ordinateur moderne via sa prise DIN 5 broches :

Cet adaptateur permet de relier le Minitel à mon MacBook, me donnant ainsi la possibilité de programmer des applications :

La communication se fait à 1200 bauds, la vitesse par défaut du Minitel (il est possible de passer à 4800 bauds, mais cela nécessite une manipulation à refaire à chaque redémarrage). À l’époque, cette prise DIN servait par exemple à connecter une imprimante. Aujourd’hui, cette connexion bidirectionnelle permet de contrôler entièrement l’affichage et de recevoir les touches tapées au clavier, ce qui ouvre la porte à des jeux simples ou à l’affichage de texte venant d’Internet.
J’ai écrit un petit jeu pédagogique pour apprendre à mon enfant à taper son prénom. Le mot à taper est facilement configurable lors du démarrage du jeu, et nous avons utilisé « maman » pour ce test. Le mot s’affiche en haut de l’écran : les lettres déjà tapées apparaissent en blanc, celles restantes en gris. En bas, le clavier est représenté avec la lettre suivante à taper qui clignote, permettant de la localiser facilement :

En action avec un doigt d’enfant appuyant sur la touche « L » :

La consommation pendant l’utilisation du jeu, en environ 7 minutes, se présente ainsi :
allumé pendant quelques minutes, différentes luminosités
| Consommation | 2,15 Wh — < 0,001 € |
|---|---|
| Durée | 6min58s |
| Puissance | médiane | moyenne | maximale |
|---|---|---|---|
| 18,6 W | 18,5 W | 25,8 W |
On observe un pic à 25,8 W lors de l’allumage, bien inférieur à la puissance nominale de 35 W indiquée sur l’étiquette. La consommation se stabilise ensuite rapidement autour de 18,6 W. La puissance reste remarquablement stable pendant toute la durée d’utilisation. En environ 7 minutes, le Minitel consomme 2,15 Wh (< 0,001 €).
Tests en détail
Réglage de luminosité
J’ai testé différentes positions du bouton de luminosité pendant l’enregistrement précédent. À luminosité maximale, l’écran est très lumineux et on observe un artefact en diagonale sur la photo, probablement dû à l’interaction entre la fréquence de balayage du tube cathodique et le temps de pose du capteur photo :

À luminosité minimale, les caractères gris deviennent presque invisibles :

Malgré cette différence visuelle importante, aucune variation de consommation n’est visible sur le profil électrique. Le réglage de luminosité semble modifier la fréquence ou l’intensité du balayage du tube cathodique, mais cela n’a pas d’impact mesurable sur la puissance consommée.
Mise en veille automatique
Après 4 minutes d’inactivité (aucune touche pressée, aucune donnée reçue sur le port série), l’écran passe automatiquement en veille. Seul le voyant rouge reste allumé :

L’enregistrement complet, incluant l’activation de la veille automatique puis la réactivation de l’écran après environ 30 secondes :
écran en veille après 4 minutes, puis rallumé
| Consommation | 4,29 Wh — 0,001 € |
|---|---|
| Durée | 13min53s |
| Puissance | médiane | moyenne | maximale |
|---|---|---|---|
| 18,6 W | 18,5 W | 19,1 W |
Là encore, aucune différence de consommation n’est visible sur le profil. La puissance reste stable à 18,6 W que l’écran soit actif ou en veille. Cette fonction protège le tube cathodique d’un vieillissement prématuré causé par l’affichage prolongé d’une image fixe (notamment pour éviter de « brûler » certaines zones du tube), mais n’économise rien sur le plan électrique.
Impact du modem
Le Minitel intègre un modem V.23 pour se connecter au réseau téléphonique. À l’époque, on composait le 3611 pour accéder à l’annuaire électronique. Le bouton « Connexion/Fin » à l’arrière permet d’activer ou de désactiver le modem.
Lorsque le modem essaie d’établir une connexion, la lettre « C » (pour Connexion) clignote en haut à droite de l’écran et devient fixe lorsque la connexion est établie :

Lorsque le modem est inactif, c’est la lettre « F » (pour Fin) qui s’affiche :

Pour mesurer l’impact du modem sur la consommation, j’ai activé et désactivé plusieurs fois le modem :
| Consommation | 2,06 Wh — < 0,001 € |
|---|---|
| Durée | 6min38s |
| Puissance | médiane | moyenne | maximale |
|---|---|---|---|
| 18,7 W | 18,7 W | 19,5 W |
Cette fois, on observe bien une différence ! La consommation augmente légèrement lorsque le modem est activé. Le modem se désactive automatiquement au bout de 42 secondes si aucune connexion n’est établie.
Zoomons sur une période de 42 secondes avec le modem activé :
zoom sur 42s avec modem activé
| Consommation | 220 mWh — < 0,001 € |
|---|---|
| Durée | 41s |
| Puissance | médiane | moyenne | maximale |
|---|---|---|---|
| 19,2 W | 19,2 W | 19,5 W |
Pendant cette période, la puissance médiane est de 19,2 W, contre 18,6 W en usage normal. L’activation du modem ajoute donc environ 0,6 W à la consommation.
Simulation d’une recherche dans l’annuaire
À l’époque, l’usage le plus courant du Minitel était la consultation de l’annuaire électronique via le 3611. Les 2 premières minutes de connexion étaient gratuites. L’astuce consistait à se déconnecter juste avant la fin des 2 minutes pour garder les résultats affichés à l’écran : on pouvait alors composer tranquillement le numéro sur le téléphone, ou recopier les informations utiles (numéro de téléphone, adresse) sur un papier. Une autre époque !
Pour simuler cet usage typique, j’ai réactivé le modem à chaque fois qu’il se désactivait automatiquement, puis je l’ai désactivé manuellement au bout d’1 minute 55 secondes. J’ai ensuite laissé le Minitel allumé hors connexion pour simuler le moment où l’on recopiait les résultats :
recherche dans l’annuaire avec modem pendant 1min55 puis déconnecté
| Consommation | 940 mWh — < 0,001 € |
|---|---|
| Durée | 3min |
| Puissance | médiane | moyenne | maximale |
|---|---|---|---|
| 19,1 W | 18,8 W | 19,5 W |
Cette utilisation typique de 3min consomme 940 mWh (< 0,001 €). On observe que la consommation reste stable tout au long de la session, avec une légère baisse lorsque le modem se désactive.
Coût d’usage et comparaison avec les tarifs d’époque
Une recherche dans l’annuaire (3 minutes) aurait consommé 940 mWh (< 0,001 €) au tarif actuel de l’électricité. Il aurait fallu effectuer 42 recherches pour dépenser un centime d’électricité.
Pour un particulier effectuant une recherche par semaine, la consommation annuelle aurait été de 48,9 Wh (0,012 €). Pour un usage professionnel plus intensif (2 ou 3 recherches par jour ouvrable), cela aurait représenté 611 Wh (0,15 €) par an.
Pour une heure de connexion à un service payant comme la messagerie (consommation de 19,2 W avec le modem activé), le coût électrique au tarif actuel serait de 19,2 Wh (0,005 €). À l’époque, ces services coûtaient généralement autour de 60 francs par heure (environ 9 euros), soit 1 863 fois plus que le coût de la consommation électrique du terminal. Le coût électrique était vraiment dérisoire comparé au coût de la communication et des services !
Aujourd’hui, le Minitel ne sert plus à se connecter à des services télématiques, mais peut être recyclé comme terminal pour des projets pédagogiques ou artistiques. Dans ce contexte d’usage occasionnel, le coût électrique de quelques sessions reste négligeable. En revanche, si le Minitel reste allumé en permanence, la consommation devient significative.
Si on oublie le Minitel allumé pendant une journée entière, il consommera 446 Wh (0,11 €). Et s’il reste branché et allumé en permanence toute l’année, la consommation atteindra 163 kWh (41,02 €) par an. Heureusement, le Minitel dispose d’un interrupteur marche/arrêt mécanique qui coupe complètement l’alimentation : lorsqu’il est éteint, la consommation est de 0 W. Il n’est donc pas nécessaire de débrancher la prise.
Comparaison avec les appareils modernes
La consommation de 18,6 W peut sembler faible, mais pour un terminal sans intelligence embarquée, c’est significatif. Aujourd’hui, on utiliserait plutôt un smartphone pour faire une recherche dans l’annuaire ou accéder à un service de messagerie, avec une consommation bien inférieure.
L’écran cathodique du Minitel explique en grande partie cette consommation : ce type de technologie nécessite une haute tension pour faire fonctionner le tube, même lorsque l’écran n’affiche rien. Les écrans modernes sont beaucoup plus efficaces.
Pour aller plus loin
Pour comprendre de façon plus détaillée la consommation du Minitel, on pourrait :
- mesurer la consommation avec un wattmètre de précision pour quantifier exactement l’impact du réglage de luminosité et de la veille (variations peut-être trop faibles pour être captées par la prise connectée) ;
- comparer avec d’autres modèles de Minitel (Minitel 2, Magis) pour voir si les générations plus récentes étaient plus économes ;
- mesurer la consommation d’un Minitel réellement connecté à une ligne téléphonique pendant un appel à un des quelques services Minitels remis en service par des passionnés.
